Diplômé du Programme du diplôme, Jeremie Gluckman-Picard revient sur son expérience du cours de géographie de Mme Ratna Ghose et sur la façon dont cela l’a inspiré à devenir un meilleur être humain.
Comment devenir un meilleur être humain grâce à la géographie
Par Jeremie Gluckman-Picard
Après avoir enseigné pendant 15 ans à l’IB, Mme Ghose est désormais chef de l’établissement Capstone High à Bangalore, en Inde. Elle s’est servie de l’expérience en matière d’approches de l’apprentissage fondé sur les compétences qu’elle a acquise à l’IB en tant qu’enseignante et l’a transposée au déploiement du nouveau programme d’études indien, et même à l’apprentissage à distance. Nous avons pris le temps de discuter lors d’un appel vidéo, et ce, plus de dix ans après que j’ai été son élève en cours de géographie.
J’ai vu le jour en France, j’ai grandi aux États-Unis, et j’ai suivi mon deuxième cycle du secondaire en Inde, ce qui fait de moi un enfant de troisième culture.
Lorsque nous avons quitté la région de San Francisco pour Bangalore, en Inde, à l’été 2008, cela a été une vraie révolution pour moi. Je venais de passer trois mois à étudier à Paris, et je m’apprêtais à entrer en première année de deuxième cycle du secondaire sur un tout nouveau continent. Je pensais naïvement que j’irais étudier à dos d’éléphant et j’imaginais les saris colorés et les jungles luxuriantes. Nous avons mis dans des cartons 13 ans de vie dans la Silicon Valley, et avons pris l’avion pour l’autre bout du monde afin d’emménager dans une version très différente du rêve californien.
À l’époque, Bangalore traversait une révolution technologique avec des quartiers privés de style californien qui poussaient comme des champignons aux abords de la ville. On assistait également à la construction de centres d’appels, de tours vitrées et de centres commerciaux.
Je pense que je n’aurais jamais pu trouver mes marques sans Mme Ghose. En tant que professionnelle de l’éducation, elle a toujours été motivée par une quête de connaissance. Après son doctorat, elle a enseigné la géographie aux élèves spécialisés de premier, deuxième et troisième cycles universitaires dans le cadre du programme d’études national. Elle était attirée par le programme de l’IB car il lui paraissait plus orienté vers la pratique et fondé sur des concepts, mais aussi ancré dans les compétences et l’apprentissage reposant sur des projets.
« La géographie consiste principalement à relier l’enseignement en classe à la vie réelle, m’a-t-elle expliqué lors de notre conversation. Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble sur votre travail final, vous vous intéressiez à la manière dont le quartier privé dans lequel vous viviez influençait le développement des zones alentour. Mon objectif était d’instiller un intérêt pour la matière dans votre esprit et de vous encourager à appliquer vos connaissances à une situation réelle. »
Je me souviens d’avoir posé des questions à mon enseignante et d’avoir quitté chaque cours avec des moyens pratiques de trouver des réponses et de les appliquer à mon quartier. Mme Ghose m’a donné les outils nécessaires pour mener cette recherche originale. J’ai réalisé des sondages aléatoires et stratifiés auprès des habitants du quartier privé et des alentours, effectué des tests de probabilité et du Khi carré pour justifier mes hypothèses, ainsi que des analyses de coefficient de corrélation. J’ai collaboré avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations à but non lucratif locales afin de recueillir des informations sur les pratiques locales de gestion des ressources.
Observer les changements du paysage urbain autour de moi et étudier ses effets dans mon cours de géographie de l’IB m’a permis de comprendre en quoi la Silicon Valley, utilisée comme modèle, modifiait le paysage urbain et la vie des communautés à travers le monde. Dans la région de San Francisco, il était difficile d’imaginer un avenir différent, car l’aménagement urbain était établi et les infrastructures avaient déjà été créées.
Mais à Bangalore et dans d’autres « pôles d’innovation » où s’installe le secteur technologique, il est possible d’adopter une approche différente et d’apprendre des erreurs de la région de San Francisco. Je crois qu’il est important de proposer des espaces et de dialoguer avec les habitants des zones destinées au développement du secteur technologique.
Si les habitants de tous les milieux sociaux et professionnels ne sont pas consultés, les villes du monde entier finissent par perdre leur âme et des infrastructures comme celles de la Silicon Valley viennent séparer leurs communautés. Cela a des effets sur la santé mentale, la qualité de vie, l’inclusion et l’environnement, comme c’est déjà le cas dans le nord de la Californie.
« Vous aviez dépassé le nombre limite de mots, et cela ne vous dérangeait pas de perdre des points, m’a rappelé Mme Ghose. J’enseigne pour la joie d’enseigner et pour rendre les gens meilleurs. C’est la clé d’un avenir durable. »
Mon travail avec Mme Ghose ne m’a pas seulement appris l’importance d’une bonne méthode de recherche, mais il m’a aussi donné l’envie de m’impliquer au sein de mon quartier. Elle a créé un espace libre de tout jugement en s’attachant à établir une relation de confiance et en m’encourageant à avoir confiance en moi. En tant que jeune membre de la communauté LGBTQ, cela a été particulièrement important car je devais trouver mes repères dans un établissement de deuxième cycle du secondaire dans une nouvelle culture d’accueil. Étant une personne expatriée, il aurait été très facile pour moi de vivre pendant deux ans en Inde sans rien apprendre sur Bangalore ni m’intéresser à sa région. Cependant, les projets de géographie et de service communautaire m’ont permis de prendre du recul et de développer une compréhension plus nuancée que celle que j’aurais eue si je n’avais jamais quitté mon quartier.
Alors que notre conversation arrivait à sa fin, Mme Ghose a déclaré : « Au final, lorsqu’on respecte l’individualité et qu’on apprend à l’élève à croire en lui, les compétences suivent. C’est vrai dans n’importe quelle relation. Tout commence par la confiance ».
Depuis, je m’intéresse particulièrement à la géographie humaine et à l’environnement. Ces éléments sont au cœur de mon travail dans la technologie, et je m’efforce de mieux comprendre les effets sur le terrain de ce secteur d’influence.
Titulaire d’un diplôme de l’IB obtenu à l’Indus International School de Bangalore, en Inde, Jeremie Gluckman-Picard est spécialiste en marketing et consacre du temps à humaniser les produits technologiques. Ayant vécu dans le monde entier, notamment en Inde, en Chine, en France et aux États-Unis, Jeremie Gluckman-Picard a toujours voulu faire la différence en associant toutes ces expériences et en aidant les autres à faire face aux aléas de la vie. Jeremie Gluckman-Picard a récemment publié un livre sur le fait de grandir dans la Silicon Valley. N’hésitez pas à lui écrire sur Instagram.